Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MAX.

Ce n’est pas trop mal raisonné pour un mort, et tout à l’heure justement je pensais, à propos d’une noix et d’une montre ;… mais je ne veux pas rêver tout éveillé, ni m’égarer le cerveau dans le souvenir de vos vieux paradoxes. L’esprit ne revêt pas le même corps qu’il a usé, que diable !

LE SPECTRE.

Qu’en sais-tu ?

MAX.

J’en sais,… j’en sais… Vous prétendez avoir repris le cours de votre existence juste où vous l’avez quittée ?… Vous auriez cent vingt et un ans ! Alors, vous êtes trop vieux, vous radotez, vous battez la campagne, monsieur le spectre, et je suis bien bon de vous écouter ! (Il veut sortir par le fond.)

LE SPECTRE.

Tu t’en vas, petit Max ; tu as peur !

MAX.

Moi, peur ? Par exemple ! De quoi voulez-vous que j’aie peur ? De rien, car vous n’êtes rien, rien qu’un fantôme de mon imagination !

LE SPECTRE.

Aurais-tu le courage de me donner la main ?

MAX.

Toucher le vide ? (Il va toucher la main que lui tend le Spectre.) Diantre ! vous avez froid !… Mais, vois-tu, spectre, dans le rêve même, un vigoureux esprit se rend compte de l’illusion qu’il est forcé de subir… et… Laissez donc ma main ! (Redescendant avec effort et avec trouble les marches de l’escalier qu’il a montées. ) Je ne suis pas don Juan, que diable ! et je n’ai pas tué le plus petit commandeur ! (Voyant le Spectre près de lui.) Ah ! de l’obsession ?

LE SPECTRE.

N’as-tu pas quelque chose à me demander ?

MAX, effrayé.

Vous le savez ?… (Souriant.) Eh ! oui, certes, puisque vous êtes ma propre pensée revêtue d’une image fantastique. Eh