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tu es faible de caractère. De même que tu as toujours laissé prendre et détruire les jouets que j’inventais pour toi, de même tu laisseras effacer par le temps et les distractions les sages conseils et les utiles leçons que je t’ai donnés. Tu seras un artisan consciencieux, mais sans génie et sans invention. Tu seras riche, estimé ; mais tu n’auras jamais la gloire d’attacher ton nom à une découverte, à moins que je ne m’en mêle, et… Mais il est trop tard à présent… je ne sais plus moi-même… Adieu ! sois honnête et charitable, et pense à ton parrain, au moins une fois l’an… la veille de Noël ! » Or, ma chère demoiselle Lœmirt, le parrain, c’était mon parrain ; l’enfant, c’était moi, et l’arbre de Noël que vous préparez, c’est comme un bouquet de fête que j’offre en secret, chaque année, à la mémoire de mon très-digne et cher ami maître Noël Rossmayer.

NANNI.

Eh bien, vous avez raison, monsieur Pérégrinus, et je n’aurai plus peur de lui. Je l’aime à présent que je sais comme il vous a aimé. Est-ce que… est-ce que vous le voyez, la veille de Noël ?

PÉRÉGRINUS, allant reporter sa chaise.

Non, je ne le vois pas, bien qu’après minuit je reste là à veiller jusqu’à deux heures dans ce cabinet où il me donnait mes leçons, et au milieu des objets qui me viennent de lui ; je trouve du bonheur à me rappeler sa figure, ses paroles ;… car, si je n’ai pas fait grand honneur à son enseignement, du moins je lui ai tenu ma parole d’être honnête homme et de ne pas l’oublier.

NANNI.

Oh ! oui, certes ! Mais ce n’est donc pas vrai, ce qu’on dit, qu’il revient ?

PÉRÉGRINUS.

Plût au ciel qu’il voulut revenir ! il serait chez moi le bienvenu ! Aussi, je fais tout mon possible pour m’imaginer que je l’entends et que je m’entretiens avec lui.