Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
NANNI, inquiète.

Un parrain ?

PÉRÉGRINUS.

Oui, l’excellent homme et habile ouvrier maître Noël Rossmayer.

NANNI.

Ah ! mon Dieu ! est-ce qu’elle fait peur, votre histoire, monsieur Pérégrinus ?

PÉRÉGRINUS.

Non ! ne craignez rien. Or, le savant horloger enseignait son art au filleul en question, et, dans ses moments de loisir, il lui fabriquait des jouets fort ingénieux, des marionnettes, des soldats à ressort qui faisaient l’exercice, des animaux qui semblaient marcher tout seuls, des moulins qui tournaient… et, la veille de Noël, il lui donnait tout cela pendu à un bel arbre tout brillant de lumières. L’enfant respectait ces beaux jouets et ne les eût jamais brisés ; mais ses frères, plus turbulents, et Max surtout, Max, curieux de voir ce que les joujoux avaient dans la tête et dans le ventre, les détruisaient sans pitié. Et le parrain grondait ! Chaque année, il disait au filleul : « Voici les derniers présents que je te fais, si l’an prochain tu ne peux pas m’en montrer au moins un entier… ou raccommodé par toi ! » L’enfant pleurait. Il n’eût osé chercher à réparer quoi que ce soit, tant il avait de respect pour la science de son maître, et il ne savait rien refuser à ses frères, à son ami. Il ne savait ni mentir, ni cacher, ni appeler à son secours ; il eût craint de faire gronder et punir ces chers tyrans qui lui prenaient tout. Un jour, le parrain, qui était bien vieux, bien vieux, se sentit mourir, et, l’ayant appelé, il lui dit : « Mon pauvre Pérégrinus… »

NANNI.

Il s’appelait comme vous ?

PÉRÉGRINUS.

Il s’appelait comme moi, et il avait alors douze ans. Et, comme il pleurait de voir son maître si pâle et si tremblant : « Tu pleures parce que tu m’aimes, lui dit le vieillard ; mais