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lemment retirée, et va-t’en converser avec les hommes ! » Oui, oui, c’est cela… Voilà pourquoi je suis ici sous cette forme étrange, et pourquoi, comme une machine, j’obéis à des instincts, à des habitudes que j’ignore. Cruelle métamorphose ! Je souffre déjà d’être ainsi !… Mais qu’a-t-il dit encore, le roi des elfes ? Il a dit quelque chose d’horrible. « Tu vas perdre une partie de ta puissance et j’ignore moi-même quel mélange de clairvoyance et d’aveuglement tes deux natures réunies, l’ancienne et la nouvelle, vont produire sur toi ! » Énigme effrayante !… Serai-je donc le jouet des passions ou la dupe de l’astuce des hommes ?… J’ai soif. (Il boit.) Ah ! quelle angoisse ! Connaître la souffrance ! (Il boit encore.) Francine, voilà ce que j’ai fait pour toi !… Quel trouble dans ma pensée ! quelle pesanteur dans tout mon être ! Est-ce la fatigue, ou ce breuvage ?… Je n’en puis plus ! vais-je dormir ?… Ô frayeur ! Dormir, n’est-ce pas cesser d’être ?… Et je ne puis résister !… Ô faiblesse, déchéance ! (Il se couche par terre et s’endort.)


Scène V

FRANCINE, LE DRAC.
FRANCINE, rentrant avec les coquillages dans une écuelle.

Eh bien, tu ne ranges pas ton goûter ? Ah ! le voilà qui dort par terre ! Il est donc bien las ? (Elle range ce qui est sur la table.) Pauvre petit ! il a trop de fatigue pour son âge ! Mon père est un peu dur pour lui !… Heureusement, les enfants, ça oublie… Je ne suis pourtant pas bien vieille, moi, et je n’oublie pas !… Je ne fais que penser…

LE DRAC, rêvant.

À Bernard !

FRANCINE.

Tiens ! il rêve de lui !

LE DRAC.

Heureux Bernard ! elle t’aime, la belle Francine !