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même. Telle est la puissance fascinatrice du génie d’Hoffmann, qu’on aime à voyager dans l’inconnu sur les ailes de sa fantaisie, et à ne pas trop savoir quels mondes éblouissants ou burlesques il vous a fait traverser. Ses récits sont courts, c’est la condition du genre. Il faut pouvoir lire vite ce qui ne permet pas la réaction de la froide raison.

Pourtant il y a toujours dans ces contes, même dans les plus merveilleusement impossibles, des caractères et des situations d’une vérité charmante, des figures d’une simplicité adorable et des traits de mœurs qui offrent de ravissans tableaux. C’est le côté par lequel, soit habileté, soit véritable humour, il vous saisit et vous force à suivre ses personnages à travers le monde de l’hallucination.

Pérégrinus Tyss (dans le conte de Maître Floh) est un de ceux qui nous ont toujours le plus touché. Ce grand enfant qui se cherche et veut se retrouver dans le rêve de ses premières années, cette douce folie qui ouvre le récit par une scène de touchante puérilité, sont les éléments de l’heureux prologue qui annonce l’arrivée des êtres fantastiques. L’ami George Pépush, si fantastique lui-même, aussi bien que les deux docteurs qui se battent au microscope, est prédestiné à devenir la victime des forces surnaturelles évoquées par l’examen. Mais, si ces personnages sont on ne peut mieux préparés par leurs idées, leurs intérêts et leurs passions, à recevoir toutes les impressions du monde ultra-idéal, il n’en est pas moins certain qu’à leur point de départ, et même à travers leurs rêveries, ils sont et demeurent très-réels et très-humains. Non-seulement la bonté douce et généreuse de Pérégrinus le fait aimer, mais encore on trouve dans son isolement, dans son célibat et dans sa timidité, les causes très-plausibles de sa disposition à devenir la proie des chimères. George Pépush, mélancolique et soupçonneux, mais loyal et brave, a un côté comique parfaitement nature : c’est lorsqu’il écoute avec dédain les gens qui déraisonnent autour de lui, pour s’écrier tout à coup qu’il en sait plus long qu’eux, et pour entrer beaucoup plus avant dans le monde de la folie. Il