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DURAND.

Ainsi, tu le lui pardonnes ? On peut être insolent avec toi…

LOUISE.

Il ne l’a jamais été.

DURAND.

Ce n’est pas la dernière des impertinences de se vanter de ton affection ?

LOUISE.

C’est selon comme il en parle. Il ne sait guère s’expliquer. S’il vous a dit que je l’aimais de grande amitié, il n’a pas menti. N’avons-nous pas été élevés ensemble, sous vos yeux, par la bonne Rosalie ? Ne dois-je pas le regarder comme mon frère ?

DURAND.

Non ! car je ne le considère pas comme mon fils. Il est trop au-dessous de toi par l’intelligence.

LOUISE.

Bah ! l’esprit ! … C’est une belle chose, je n’en disconviens pas ; mais ça n’est pas tout : la bonté vaut encore mieux, et je n’oublierai jamais que, quand tous les autres enfants de mon âge me repoussaient en me traitant de champie, les pauvres enfants, sans savoir ce qu’ils disaient et croyant me faire une grande honte, il y en avait un qui me consolait et me protégeait toujours, et celui-là, c’était Jean ! Jean tout seul, pas d’autre que lui !

DURAND, avec douleur.

Et moi ! et moi ! Je ne t’ai donc pas consolée, je ne t’ai donc pas protégée, moi ?

LOUISE.

Vous, cela n’est pas étonnant, un homme comme vous, qui n’a que l’idée de faire bien, et qui est au-dessus de tout le monde !… C’est comme le bon Dieu, il n’a pas de mérite à être ce qu’il est, il ne pourrait pas être autrement ; mais ce pauvre petit Jean, qui, avant d’entrer chez vous, n’avait pas été mieux élevé qu’un autre…