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reproches. J’ai été absorbé par mes livres, et il n’y a pas plus de deux ou trois mois que j’ai commencé à t’apprécier, à t’écouter, à te regarder !

LOUISE, à part.

Ah ! comme j’ai eu tort de ne pas rester derrière la porte !

DURAND.

Pourquoi rêves-tu quand je te parle ? Ne vois-tu pas que j’ai à cœur de réparer ma négligence ? Ne te dois-je pas cela ? Ne m’as-tu pas fait un bien immense ? Tu m’as ouvert le cœur à l’amitié, à un sentiment plus doux encore, que sans toi je n’aurais jamais connu, le sentiment paternel ! C’est vrai, cela. Vieux piocheur, je me serais desséché, pétrifié avec mes cailloux, n’est-ce pas ? Je serais devenu sombre, hypocondriaque, insupportable ! Ça commençait. J’avais des moments d’humeur, même avec toi. Tu dis que j’ai toujours été bon ! Tu oublies que bien souvent je t’ai traitée de niaise et d’étourdie ; mais ça ne m’arrivera plus, va, je t’en réponds !

LOUISE, à part.

Hélas ! tant pis.

DURAND.

Non non !… je n’aurai plus la folie,… je n’aurai même plus la pensée de te faire pleurer, pauvre enfant ! J’ai ouvert les yeux. J’ai reconnu… Oui, je pensais à cela tantôt en revenant ici.

LOUISE.

Vous pensiez trop. Vous avez laissé votre sac de voyage au beau milieu de la route !

DURAND.

Méchante, tu me grondes. Que veux-tu ! je pensais à toi. Je me disais : « Une femme douce, instruite et charmante est un trésor dans une maison, un rayon de soleil dans la vie d’un pauvre ermite !… Qu’ai-je besoin d’aller chercher une compagne à la ville, quand tout près de moi… ? »

LOUISE.

Ah ! vous aviez l’idée de vous marier ? Votre voisin me l’avait dit. Eh bien, est-ce que vous y renoncez ?