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LOUISE.

Vous n’êtes pas vieux ; mais vous n’êtes plus tout jeune. Et votre vilain rhume que vous ne voulez pas soigner ! Vous avez déjà toussé trois fois depuis trois minutes.

DURAND.

Bah ! qu’est ce que ça fait ? Avec un petit mal chronique, on vit cinquante ans de plus ! Voyons, qu’as-tu fais de bon en mon absence ? Tu t’es faite l’institutrice de coqueret, à ce qu’il m’a dit ?

LOUISE.

Ah ! Il vous a dit… ?

DURAND.

Que tu l’avais entrepris sur le granit ; mais c’est peine perdue : tu n’en fera jamais rien qu’un âne.

LOUISE.

Pardon, monsieur, je vous en ferai un bon serviteur, car il est doux, courageux, de bonne volonté, et il vous aime. C’est bien quelque chose !

DURAND.

Oui, sans doute, il a de bons instincts ; mais il ne sortira jamais de la vie d’instinct.

LOUISE.

Et quel besoin avez-vous d’un savant pour vous servir ? est-ce que je ne suis pas là pour réparer ses petites gaucheries ?

DURAND.

Oh ! toi, Louise, c’est autre chose ! Tu as une belle mémoire, une docilité admirable. C’est un plaisir de t’enseigner quelque chose. Tu es beaucoup pour moi, ma chère Louise. Tant de soins, d’attentions ! Être servi comme un prince, dorloté comme un enfant, compris par quelqu’un qui s’intéresse à vos travaux, qui se prête à vos innocentes passions… Eh bien, qu’est-ce que tu as ? Tu es triste ?… À quoi penses-tu ?

LOUISE.

À rien, monsieur ; je regardais ce pavé, c’est une belle pièce.