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À M. ALEXANDRE DUMAS FILS


L’élément fantastique est encore une des faces de l’esprit populaire, et il n’est pas besoin de remonter avec Charles Nodier au moyen âge pour saisir par ses beaux cheveux flottants le lutin de la prairie, de la montagne ou de la chaumière. On le rencontre encore à chaque pas chez toutes les nations de l’Europe, dans toutes les provinces de France et sur tous nos rivages de l’Océan et de la Méditerranée. Il se plaît surtout dans des sites étranges et terribles, chez des populations qui ne semblent pouvoir réagir que par l’imagination contre la rude misère de leur vie matérielle ; kobold en Suède, korigan en Bretagne, follet en Berry, orco à Venise, il s’appelle le drac en Provence. Il en est à peu près de même d’un autre esprit, plus fâcheux et plus sinistre, qu’en tout pays on appelle le double.

Un jour qu’un garde-côte m’avait parlé de ces lutins en esprit fort qu’il était, lui, et que sans s’en douter il m’avait rappelé la légende d’Argaïl, dont Trilby est le poëme charmant, je voulus voir le lieu hanté par les dracs, et, des hauteurs du cap ***, je descendis dans une des nombreuses petites anses que formait la dentelure des falaises à pic. Le décor était splendide, et le sujet me fit penser à un opéra ou à un mélodrame à grand spectacle ; mais, bientôt gagné