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Scène IX


LA HYONNAIS, FRANÇOISE.


LA HYONNAIS.

Comme vous souffrez ! Voyons, essayez de vous calmer, de vous reposer un instant !

FRANÇOISE, fondant en larmes.

Ah ! oui, je souffre, allez !… Depuis deux mois, je ne vis pas !… et, depuis hier, il me semble que je suis morte !

Elle s’assied sur le divan.
LA HYONNAIS.

Oui, depuis que vous savez ce projet ! Mais ne vous découragez pas : vous pouvez l’en détourner.

FRANÇOISE.

Moi ?… Mais, moi, je ne peux rien pour lui, puisqu’il ne m’aime pas !

LA HYONNAIS.

Il vous aime malgré lui, malgré tout ! Il vous aime autant qu’il peut aimer.

FRANÇOISE.

Ah ! tenez… oui ! c’est cela ; c’est cela qui est affreux à dire ! c’est qu’il ne peut pas aimer davantage !… Ce n’est pas sa faute, et le mal est sans remède !

LA HYONNAIS, ému.

Il y a quelquefois, au milieu d’une horrible souffrance, une sorte de joie étrange à dire qu’on aime sans espoir ; ne le sentez-vous pas en certains moments ?

FRANÇOISE, se levant.

Autrefois… oui ! je le sentais… C’est de cela que j’ai vécu dix ans, monsieur la Hyonnais ! car, depuis l’enfance, c’était mon refuge. C’était ma force de me dire que ce secret-là mourrait avec moi ! Mais il y a deux mois que je suis brisée ! Le jour où il m’a semblé que je pouvais être aimée de lui, j’ai