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HENRI.

Non ! c’est le seul moyen de vivre quand on a des parents trop rigides. Ils veulent que nous ne connaissions le plaisir qu’à l’âge où le plaisir n’existe plus ! Nous rétablissons les choses suivant l’ordre de la nature, nous nous faisons escompter l’avenir.

LE DOCTEUR.

C’est-à-dire qu’on s’exerce à frustrer les enfants qu’on aura de l’aisance dont on a été privé soi-même, afin d’être maudit par eux comme on a maudit ses parents ; joli système !

Il s’assied à gauche de la table.
HENRI.

Ainsi va le monde, ce n’est pas moi qui l’ai inventé.

LE DOCTEUR.

Tu ne l’aurais pas fait meilleur, puisque tu suis le même courant.

HENRI.

Mon père me refuse donc les moyens de m’établir ? Ce n’est pas possible !

LE DOCTEUR.

C’est possible, et cela est.

HENRI.

Quoi ! rien ? absolument rien ?

LE DOCTEUR.

Rien ! et tu connais son caractère obstiné.

HENRI.

Que trop ! Alors, après lui… ?

LE DOCTEUR, à part.

Ah ! voilà l’explication difficile. (Haut.) Après lui,… tu ne dois pas te flatter d’un meilleur sort. Lui aussi… il a fait des dettes.

HENRI.

Oh ! que non ! Qui vous a dit cela ?

LE DOCTEUR.

Lui ; il a joué à la Bourse. Il doit tout ce qu’il possède, et il me le prouve : c’est clair, c’est net, c’est un fait accompli.