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HENRI.

Ah ! tu doutes ! c’est que tu crois me connaître, et tu ne me connais pas ! J’ai toujours affecté avec toi une gaieté… une indifférence dont tu as été dupe. Je t’aime depuis…

FRANÇOISE, attentive et tremblante.

Depuis… ?

MARIE-JEANNE.

Ah ! oui, depuis quand ?

HENRI.

Depuis toujours ! cela est né, je crois, avec moi-même. Je sais que tu avais quatorze ou quinze ans quand ton père nous sépara ; plus tard, je te revis… je partais…

FRANÇOISE, toujours attentive et inquiète.

Oui, tu pleuras beaucoup ; mais tu étais cependant joyeux de t’en aller, tu étais curieux, avide de ta liberté !

HENRI.

Oui, c’est vrai, je riais et je sanglotais tout à la fois. J’allais voir mon père et mon pays, que je ne connaissais pas ! Je fus si tristement accueilli et si vite renvoyé ! Je comptais revenir habiter Luzy pour vivre près de toi…

FRANÇOISE.

Mais tu t’arrêtas à Paris, et tu y restas deux ans sans songer à nous et sans presque nous écrire !

HENRI.

Que veux-tu ! si jeune, abandonné à moi-même ! mais l’ennui d’une vie dissipée me ramena près de vous, et, cette fois, je sentis que toi seule pouvais me rendre heureux.

FRANÇOISE.

Mais, au bout de bien peu de temps,… tu nous quittas encore…

HENRI.

Françoise ! cet interrogatoire est glacial et terrible ; on dirait que tu as résolu de nier l’affection que je t’apporte !

FRANÇOISE.

Non, mais je te connais ; tu es impressionnable, mobile…