lourde responsabilité. Voyons, n’avez-vous pas eu quelque petit roman ?
Non, madame, je n’ai pas eu le moindre roman.
Comment avez-vous fait pour n’aimer personne ?
C’est que je n’ai jamais eu le loisir de songer à moi. J’avais dix-sept ans quand j’ai vu mon père mourir de chagrin. Et puis la gêne est venue, après beaucoup de travail pour payer nos dettes. Ensuite, mon beau-frère qu’il a fallu aussi disputer à la mort, le plus longtemps possible : ma sœur désespérée, perdant la tête ; ses enfants à soigner, à élever… que sais-je ? Quand on a à peine le temps de dormir, on n’a guère celui de rêver.
Cependant, on a dû vous remarquer, vous rechercher, charmante comme vous l’êtes ?
Non, madame la marquise, il n’y a pas de grandes persécutions pour qui n’encourage pas les petites.
Je suis de votre avis, et voilà de sages et touchantes réponses. Donc, vous ne craignez rien dans l’avenir ?
Je ne crains rien du tout.
Et cette solitude du cœur ne vous rendra pas triste… fantasque ?
Je suis naturellement gaie, forte de santé, active et studieuse ; voilà comment je me connais, et, n’ayant pas encore été trop au-dessous de ma tâche, je crois pouvoir promettre d’être une bonne et honnête fille.
Et moi, je suis sûre que vous dites la vérité. Reste à savoir