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lourde responsabilité. Voyons, n’avez-vous pas eu quelque petit roman ?

CAROLINE.

Non, madame, je n’ai pas eu le moindre roman.

LA MARQUISE.

Comment avez-vous fait pour n’aimer personne ?

CAROLINE.

C’est que je n’ai jamais eu le loisir de songer à moi. J’avais dix-sept ans quand j’ai vu mon père mourir de chagrin. Et puis la gêne est venue, après beaucoup de travail pour payer nos dettes. Ensuite, mon beau-frère qu’il a fallu aussi disputer à la mort, le plus longtemps possible : ma sœur désespérée, perdant la tête ; ses enfants à soigner, à élever… que sais-je ? Quand on a à peine le temps de dormir, on n’a guère celui de rêver.

LA MARQUISE.

Cependant, on a dû vous remarquer, vous rechercher, charmante comme vous l’êtes ?

CAROLINE.

Non, madame la marquise, il n’y a pas de grandes persécutions pour qui n’encourage pas les petites.

LA MARQUISE.

Je suis de votre avis, et voilà de sages et touchantes réponses. Donc, vous ne craignez rien dans l’avenir ?

CAROLINE.

Je ne crains rien du tout.

LA MARQUISE.

Et cette solitude du cœur ne vous rendra pas triste… fantasque ?

CAROLINE.

Je suis naturellement gaie, forte de santé, active et studieuse ; voilà comment je me connais, et, n’ayant pas encore été trop au-dessous de ma tâche, je crois pouvoir promettre d’être une bonne et honnête fille.

LA MARQUISE.

Et moi, je suis sûre que vous dites la vérité. Reste à savoir