Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée

MARGUERITE.

Très-bien ! tu la respectes, tu l’adores ! et tu es bien résolu à la déshonorer.

CYPRIEN, avec force.

Je suis résolu à l’épouser.

MARGUERITE, se levant.

Malgré moi ?

CYPRIEN, tombant à ses genoux.

Ma mère ! pardonne-moi ! Oh laisse-moi te parler comme il y a dix ans ! Tu as beau refouler la tendresse, je t’aime, moi ! et je te bénis… et je te maudis aussi dans le délire, depuis que l’amour s’est emparé de ma vie ! Que veux-tu ! je n’y peux rien ! j’ai essayé de me combattre.

MARGUERITE.

Tu as essayé ?

CYPRIEN.

Oui ! c’est impossible ! je deviens fou ! Plains-moi, si tu ne me comprends pas ! punis-moi ! retire-moi tes dons, reprends ta fortune ! abandonne-moi à mon sort ! mais pardonne-moi dans ton cœur ! Le monde, les lois du devoir, les convenances de la famille veulent que tu me brises sous un principe d’autorité sacré à tes yeux. Eh bien, brise-moi ! (Marguerite retombe assise.) Renie l’enfant que tu as tant aimé ; mais, quand justice sera faite, laisse revenir la pitié, et souviens-toi qu’en dépit de tout, cet enfant t’aimait de toute son âme ! Mère, voilà tout ce que je te demande ; le reste, je le subirai… (Marguerite se détourne pour cacher ses larmes.) Ah ! vous pleurez, ma mère, vous pleurez ! (Marguerite se lève et sonne.) Que décidez-vous, maman ? Je ne veux pas que vous cédiez ainsi ! (Marguerite dit un mot à sa femme de chambre, qui est entrée et qui sort aussitôt.) Mon Dieu ! vous souffrez !

MARGUERITE.

Oui ! tu m’as déchiré le cœur et tu triomphes ! Tu t’es dit : « Faisons-la souffrir, et elle cédera ! » Eh bien, sois content, je cède, mais avec une immense douleur et une amère pitié. Sache bien que je ne trouve aucun sujet de crainte dans la