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CÉLIA, s’arrêtant.

Vous allez donc rester là, tout seul ?

JACQUES.

Et que ferais-je ailleurs, je vous le demande ? Oui, cette cabane que vous quittez est à moi. Je m’y établirai seul, tout seul, pour le reste de ma vie, et je n’aimerai plus rien que les arbres qui vous ont vue passer sous leur ombre et l’herbe que vos pieds ont foulée.

CÉLIA.

Mais, avant qu’il soit trois mois, les arbres perdront leur feuillage, et l’herbe ne conservera pas trois jours la trace de mes pas ?

JACQUES.

Allez-vous-en ; c’est assez comme cela, je ne veux plus vous voir. (Célia vient doucement derrière lui et pose ses deux mains sur les épaules de Jacques. — Avec humeur et désespoir.) Que me voulez-vous ?

CÉLIA.

Allons, refaisons notre marché : donnez-moi cette existence désespérée… et suivez-moi.

JACQUES.

Non, madame, je ne vous avais point vendu mon âme, elle était morte ! Mais elle s’est ranimée, elle vit, elle souffre ! Elle périrait enchaînée à vos caprices ; elle m’appartient, je la reprends, que vous importe ?

Il passe à gauche.
CÉLIA.

Que ferais-je donc de la mienne, si vous m’abandonnez ?

JACQUES.

Que dites-vous ?

CÉLIA.

Je dis qu’une femme loyale ne saurait prendre sans donner, et qu’en voulant m’emparer de vous je me suis livrée moi-même.

JACQUES.

Célia !… Non ! vous raillez ! je ne suis plus jeune !…