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JACQUES, vivement, l’arrêtant.

Eh bien, apprenez qu’une femme, qu’elle soit bergère ou princesse, ne reçoit point tous ceux qui se présentent, et que le seuil de sa demeure, palais ou chaumière, est sacré pour un galant homme. Vous voyez que moi, gardien et serviteur de Célia, j’attends ici mon audience.

ROLAND.

Vous avez raison, monsieur, je méritais cette leçon, et je vous remercie de me la donner.

JACQUES.

Roland, votre caractère est impétueux, mais votre esprit se plie docilement à la délicatesse. Dites-moi sincèrement si vous êtes amoureux de Célia ou de sa cousine ?

ROLAND.

Et dites-moi, vous, si votre curiosité est bien délicate ?

JACQUES, avec dépit.

Quoi ! vous me trouvez bon pour me confier votre amour, pour entendre vos madrigaux, et vous me trouvez trop curieux. Mais allez ! je suis bien fou de vouloir vous épargner une sottise !… Allez ! soupirez pour Célia !… Dites-lui votre martyre en prose et en vers, elle se moquera de vous, et vous n’aurez que ce que votre audace mérite !

ROLAND.

Je sais que je suis un esprit inculte, que je sais mal parler et plus mal écrire ; mais, quand on dit ce que l’on pense, on est toujours compris, et, quand on aime de toute son âme, on peut intéresser une âme généreuse.

JACQUES, à part.

Hélas ! cet enfant dit peut-être la vérité ! Aimer de toute son âme, est-ce donc là tout le secret pour être aimé ?

Célia est sortie de la maison, Roland est allé au-devant d’elle.