Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée
JACQUES.

Mon cher, vous le savez, c’est là une chose que je n’aime plus et que même j’arrive à détester autant que la discussion. N’est-ce point un amusement horrible que la chasse ? Eh quoi ! percer de vos épieux les biches innocentes et faire voler la mort avec vos traits, sur les beaux flancs frissonnant des daims tachetés ? Quelle boucherie ! Se réjouir des larmes d’un pauvre cerf aux abois et voir sans pitié ses entrailles déchirées par une meute cruelle, son noble sang rougir les eaux limpides où il cherche un refuge contre la mort !… Quel spectacle ! Ah ! malheureux chasseurs, de quel droit traitez-vous ainsi les animaux, citoyens primitifs de ce territoire ? Vous êtes des brigands armés contre des possesseurs légitimes, et de plus grands usurpateurs que ceux qui vous ont bannis de votre patrie !

AMIENS.

Fort bien ; mais je vous quitte, car je craindrais de me laisser persuader par vos discours et d’arriver, comme vous, au dégoût de toutes choses. Au revoir, mon cher rêveur. Maudissez le ciel et les hommes, mais n’oubliez pas de venir souper avec nous.

Il réveille le chanteur, assis à droite, et sort par le fond ; Jacques s’assied à gauche.

JACQUES, au chanteur, qui va sortir.

Dis-moi, mon garçon, tu sais un peu chanter et jouer du luth ?

LE CHANTEUR.

Oui, monsieur ; mais ma voix est enrouée aujourd’hui.

JACQUES.

Jamais chanteur n’a répondu autrement. Tu veux que je te prie ? Allons, je te prie, chante !

LE CHANTEUR.

Je ne sais rien qui puisse vous plaire.

JACQUES.

Je ne te demande pas de me plaire, mais de chanter.