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table d’un homme de bien, si jamais une larme a mouillé vos yeux ; si, malheureux vous-même, vous avez appris à plaindre le malheur ; enfin, si la souffrance est la meilleure arme auprès de vous, je remets en rougissant celle-ci dans le fourreau, et vous prie de me pardonner.

LE DUC.

Oui, nous avons connu des jours heureux, et les larmes d’une sainte pitié ont mouillé nos paupières. Asseyez-vous donc dans des sentiments pacifiques, et disposez librement de tout ce qui est ici.

ROLAND.

Que Dieu récompense votre charité, bon vieillard ! je n’en abuserai pas. (Il va auprès d’Adam.) Dès que mon serviteur aura repris ses forces, je poursuivrai mon chemin vers la demeure du duc exilé. Qui de vous pourra me l’enseigner ?

LE DUC.

Qui donc êtes-vous ?

ROLAND.

Je le dirai à celui que je cherche.

ROSALINDE, bas, au duc.

C’est le fils de sire Roland des Bois, votre ami.

LE DUC.

Oui, c’est sa vivante image.

ROSALINDE.

Nous nous sommes vus un instant, il y a huit jours, et il est la cause de mon exil. Mais il n’en sait sans doute rien, et — il ne m’a pas encore regardée — je veux essayer sur lui l’effet de mon déguisement. (S’approchant de Roland.) Mangez donc aussi, puisqu’on vous le permet. Le duc parle bas à Jacques et à Amiens.

ROLAND, à part.

Ô puissances célestes ! Rosalinde !

ROSALINDE.

Vous n’avez donc pas faim ?

ROLAND.

Moi… monsieur ? Non, vraiment, je n’y songe point.