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rils, il vient me trouver de la part de mon père ; il doit être de ses amis.

JACQUES.

Je ne cours point de risques et ne brave point de périls.

CÉLIA.

Pourtant… vous devez être banni ?

JACQUES.

Non ; c’est par goût que j’ai suivi le duc dans son exil.

CÉLIA.

C’est peut-être par affection ?

JACQUES.

Qu’est-ce que l’affection ? Une habitude de l’esprit ou du cœur, qui n’est, au fond, que de l’égoïsme.

CÉLIA, à Rosalinde.

Voilà un étrange cerveau !

ROSALINDE.

Rappelez-moi votre nom. N’êtes-vous pas… ?

JACQUES.

Je ne suis plus ce que j’étais ; ne me cherchez pas dans vos souvenirs : mon nom a changé de sens comme tout le reste. Autrefois, ici, j’étais pour tous Jacques le viveur et le magnifique ; aujourd’hui, on m’appelle, là-bas, Jacques le rêveur et le solitaire.

CÉLIA.

Quoi ! vous êtes ce Jacques… ce seigneur tant vanté pour ses folles mœurs et ses brillantes manières ? Alors, vous avez renoncé aux unes pour faire pénitence des autres ? (Jacques la salue avec une gravité ironique.) Eh bien ! vous ne répondez plus ? Vous êtes déjà au bout de votre faconde ?

JACQUES.

C’est la vôtre que je salue… et, devant tant d’esprit, je retire ma conversation et ma personne.

ROSALINDE, allant à Jacques.

Ah ! de grâce, monsieur, si vous pouvez rester sans danger,