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veux que j’en montre encore davantage ! Apprends-moi donc à oublier un père !

Elles se promènent en parlant.
CÉLIA.

Tu le pourrais, si tu m’aimais comme je t’aime ! Oui, si j’étais à ta place, mon père serait devenu le tien !

ROSALINDE.

Non, chère cousine, ton père ne m’aime pas ; il me soupçonne et m’humilie sans cesse. Sans la crainte de ta douleur, il y a longtemps qu’il m’eût chassée, car je suis pour lui un otage bien superflu. Il sait bien qu’il n’a plus rien à craindre du parti de son frère, et, quelque jour, il me séparera de toi, en dépit de tes prières et de tes pleurs.

CÉLIA.

À Dieu ne plaise qu’il ait ce cruel dessein ! Non, non, ayons des idées plus riantes. Mon père a des moments de repentir et de pitié ; et, d’ailleurs, il m’aime, il n’aime que moi, et il sait que je ne pourrais pas vivre sans ma Rosalinde. Te tourmentes-tu de la pauvreté ou de l’abandon dans l’avenir ? Es-tu ambitieuse, ma chère âme ? Eh bien, l’avenir te rendra tes droits, et c’est toi qui seras l’héritière de ce duché.

ROSALINDE.

Moi ?

CÉLIA.

Oui ; fille unique, je dois succéder à mon père, et ce qu’il a pris au tien par force, ma tendresse te le rendra. Oh ! j’en fais le serment ; et, si j’y manque, puissé-je devenir un monstre de laideur ! (Allant s’asseoir sur le banc, à gauche.) Allons, ma charmante Rose, ma Rose bien-aimée, sois gaie ! rions un peu, faisons des projets.

ROSALINDE.

Des projets ? Voyons !… si nous devenions amoureuses ?

CÉLIA.

Aïe ! voilà qui est bien dangereux ! Si l’on aime sérieuse-