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FRANÇOISE.

Henri ! je l’ai aimé d’une affection maternelle. C’était une ardeur, une soif de dévouement ; tu étais malheureux ! Le jour où j’ai pu te sauver avec un peu d’argent… ah ! c’est bien peu de chose, ce que j’ai fait pour toi ! j’ai racheté bien aisément ton repos… et le mien ! Oui, Henri, le jour où j’ai pu me dire : « J’ai tout donné pour lui, je n’ai plus rien ! » j’ai pu me dire aussi : « Je suis calme, je suis guérie ! Mon dévouement est assouvi, ma passion est satisfaite ; je me sens bien, je me sens vivre, je vais donc respirer enfin et songer à moi-même. »

HENRI.

Et, en disant cela, c’est à Jacques… ?

FRANÇOISE.

C’est à Jacques que je songeais !

LA HYONNAIS, tombant sur un siège, éperdu.

À moi ?

HENRI.

Françoise !… une femme comme toi ne peut se lasser de pardonner !

FRANÇOISE.

On se lasse de souffrir sans profit pour personne. De quoi viens-tu te plaindre, Henri ? et comment peux-tu encore me parler de toi, à moi qui sais maintenant ce que c’est qu’une passion vraie ! Ah ! grand merci, mon pauvre aveugle ! j’ai ouvert les yeux à l’éclat du vrai soleil ! Et ce que je sens là dans mon âme, cette admiration, cette flamme sainte, cette foi enthousiaste, cette ivresse lucide… oui, Jacques, c’est là le feu divin, c’est l’amour, fils du ciel ! (Tendant la main à la Hyonnais.) Et voilà ce que Dieu m’envoie pour me récompenser d’avoir beaucoup souffert et beaucoup pardonné !

LA HYONNAIS.

Ah ! Françoise !

Henri se détourne.