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MARCASSE.

Limousin, Poitou, Bourbonnais, champ par champ, grenier par grenier, meule par meule, il faut du temps !

LE CHEVALIER.

C’est un métier de Juif errant que tu fais là !

MARCASSE.

Marcher, voyager, c’est bon ! mais le métier, fort sot ! Beaucoup de danger et point d’honneur… Autrefois…(il se redresse) bon soldat ! Si je croyais. (À Aubert, qui est près de lui.) La guerre, belle chose, monsieur !… le marquis de la Fayette…

BERNARD, riant.

Ah ! pour le coup, mon oncle, voilà le judicieux Marcasse, à qui je ne le fais pas dire, et qui défend la cause de l’indépendance.

LE CHEVALIER.

Tu vas recommencer, toi ? Tu es d’une obstination endiablée ! Le beau philosophe, ma foi ! l’esprit fort ! à son âge ! Tenez ! l’orgueil est au fond de toutes vos idées nouvelles… (S’animant.) Vous brisez sans respect avec le passé ! vos pères, vos aînés, vos guides naturels, ne sont plus que dos radoteurs, et vous prétendez leur passer sur le corps, quand vous auriez encore besoin de lisières et de bourrelet !

BERNARD.

Oh ! mon oncle ! nous savons que vous haïssez les philosophes et que vous tiendriez tête à Rousseau et à Voltaire en personne !

LE CHEVALIER.

Eh bien, pourquoi pas ? M. de Voltaire est un homme d’esprit qui saurait discuter. Quant à votre M. Rousseau de Genève, c’est un fou ! Ne voilà-t-il pas que tous les morveux de ce temps-ci se posent en miles !

BERNARD, aigre.

Ah ! c’est pour moi, cela !

LE CHEVALIER.

Eh bien, quand ça serait pour toi ?