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elle est forte, et il faut que l’arbre où elle s’attache soit de bonne venue pour être capable de la porter.

BERNARD

Oui, je vous entends, vieux Patience, et vos comparaisons m’entrent mieux dans l’esprit que les raisonnements de M. Aubert ; mais comment m’amender ? apprendre le grec, la philosophie ? Ouf !

PATIENCE.

Ah bien, plaignez-vous de ça, je vous le conseille !… Comment ! vous êtes en âge d’apprendre, on vous sert du meilleur, et vous faites la grimace ! Ah ! si j’avais été pris de jeunesse, moi !… Mais voilà les hommes : ceux qui voudraient s’instruire ne peuvent pas, et ceux qui pourraient ne veulent point… Eh bien, voyons, Edmée vous aime malgré que vous soyez un ignorant, mais elle aura à rougir de vous. Vous voulez qu’elle souffre, et vous, vous ne voulez pas souffrir pour elle ?

BERNARD.

Ah ! si je croyais lui plaire…, je me mettrais la tête dans un mortier !

PATIENCE.

Et, si vous lui déplaisez, d’où vient donc qu’elle pleure quand elle se croit seule ?

BERNARD.

Elle pleure ? Patience, tu l’as vue pleurer ?

PATIENCE.

Maintes fois ! Ah ! la pauvre âme ! elle a bien de la peine aussi !

BERNARD.

Je la rends donc bien malheureuse ? Elle pleure ! et c’est moi qui suis cause de cela ! Pourquoi donc, mon Dieu, quand je l’aime tant ? Oh ! ne pas comprendre ! tant souffrir et ne savoir pourquoi ! Non, je suis maudit !… Mais qu’est-ce que je peux donc faire, moi ? Je n’en sais rien !…

Il éclate en sanglots, assis la tête dans ses mains.