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PATIENCE.

Attendez… C’était alors un méchant garnement : j’avais apprivoisé une pauvre chouette qu’il trouva plaisant d’abattre d’un coup de pierre, en me traitant de meneux de loups, et en me menaçant de sa fronde. Je perdis le jugement en voyant couler le sang de l’oiseau. C’est la seule fois qu’il y ait eu du sang sur ma porte, et j’ai failli quitter la tour Gazeau à cause de ça. Je pris le garçonnet par les poignets. Il était déjà fort, je l’étais davantage, je le liai à un arbre, je m’armai d’une branche et je le fustigeai… Dame ! c’est la seule fois aussi que j’aie frappé un enfant ! mais j’avais mon idée ; voyant que ce mauvais chien chassait de race, je voulais lui donner l’horreur du sang ; j’avais attaché l’oiseau mort au-dessus de sa tête, et, à chaque goutte qui tombait sur lui, je le fouaillais… bien doucement, je vous jure, mais de manière à l’humilier, je ne voulais pas autre chose ! Il pleurait de rage, et il me jura que je m’en repentirais quand il aurait âge d’homme.

M. AUBERT.

C’était fort imprudent à vous ! il a dû le dire à ses oncles…

PATIENCE.

Eh bien, il y a du bon dans ce garçon-là : il ne l’a jamais dit, que je sache, et il m’a sauvé la vie.

M. AUBERT.

Comment cela ?

PATIENCE.

Oui, il s’est mis, l’an dernier, entre ses oncles qui voulaient me voler mes deux chèvres, et moi qui voulais les défendre… Mais entendez-vous ?… C’est le pas d’un cheval ! Merci, il a de bons yeux ou une belle peur, celui qui galope en pleine nuit sur mon chemin.

On frappe avec force.
M. AUBERT, un peu effrayé.

N’ouvrez pas ! c’est quelque malfaiteur, peut-être !