Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/335

Cette page n’a pas encore été corrigée

LUCIE.

Il me dit en me donnant un baiser sur le front : « Pour ton frère ! »

ADRIEN, lui tendant les mains.

Eh bien, Lucie, donnez-la-moi, cette dernière, cette sainte caresse ! (Lucie l’ombrasse en tremblant, Daniel est très-agité et tourmente son mouchoir.) Merci, chère et honnête enfant, cœur généreux et pur ! Je vous dois bien plus qu’une fortune, je vous dois la bénédiction d’un père, et je puis le pleurer maintenant sans amertume et sans effroi ! Ah ! que vous êtes bonne, vous ! et que vous me faites de bien !

DANIEL.

Alors, vous comptez que le dépositaire… ?

ADRIEN.

Oh ! je compte peu sur le dépositaire !

DANIEL.

Vous êtes pressé de l’accuser ! que savez-vous ?… Vous êtes à peine arrivé !

ADRIEN.

Je ne sais rien ! mais il me semble que, s’il eût été pressé, lui, de faire son devoir, mon notaire saurait déjà son nom. Je crois peu à une probité si lente à se montrer.

DANIEL, remontant.

Bah ! le notaire ! à quoi bon le notaire ?

LUCIE.

Vous croyez que… ? Oh ! mon Dieu, j’aurais dû suivre cet homme, le voir, l’observer ! Je le pouvais ! J’ai cru bien faire en obéissant !

ADRIEN.

Et vous avez bien fait. Lucie ! Mon père est mort calme et en songeant à moi ? C’est tout ce que j’aurais demandé à Dieu si j’avais su que j’étais condamné à le perdre. Quant à mon patrimoine, il y a longtemps que j’en avais pris mon parti, et je saurai accepter encore les hasards et les peines de ma destinée.