Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

je ne veux pas que votre père soit malheureux par ma faute, et qu’il aille chercher l’incertitude et les fatigues d’une vie errante. Puisque l’on doute de ma parole, puisque mon amour semble une offense, je m’en vais à l’instant même !

JULIETTE.

Ah ! vous avez bien mauvaise opinion de nous, si vous croyez que nous consentirions à vous chasser d’ici !

HERMAN.

J’aurai un prétexte pour m’absenter sans alarmer la délicatesse de vos parents ; Frantz comprend qu’il doit me garder le secret, et vous le devez encore plus que lui. Ne voyez-vous pas que l’épreuve de ce soir va être terrible pour maître Favilla, et que l’arracher d’ici en ce moment, c’est briser son cœur, sa raison ou sa vie !

FRANTZ.

Eh bien, vous avez eu là une idée généreuse et sage, monsieur Herman ; et je crois que, pour quelques jours encore, Juliette doit accepter…

JULIETTE.

Oui, oui, j’accepte avec reconnaissance… pour quelques jours seulement.

HERMAN.

Pour toujours, Juliette, si vous ne m’aimez pas ! Ah ! si j’avais quelque espoir de ce côté, je me dirais que vous fléchirez votre mère, et que, quand mon père aura parlé… Mais je vois bien que vous ne croyez pas en moi, et la vie m’est odieuse.

FRANTZ.

Oh ! monsieur Herman, que dites-vous là ? C’est mal.

HERMAN.

Ne pensez pas que ce soit une menace ! non, je ne suis pas une âme faible ! je dois vivre, je vivrai pour celui qui, un jour, aura besoin de moi ; mais, à présent, il faut que je m’enfuie… loin, bien loin de ce pays, de ce milieu où tout me rappellerait mon rêve évanoui et mon espérance brisée ! Adieu, Frantz ; je vous connais depuis peu de temps, mais je