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JEAN, remettant son verre sur la table, et revenant à Bernard, qui est resté, comme une statue

Et toi, Bernard, tu ne dis rien ? (Bernard hausse les épaules.) Parlez, mon neveu ; vous avez voix au chapitre comme les autres.

BERNARD.

J’ai voix au chapitre ? (il se lève et dit en frappant sur la table.) Alors, je dis non, non, trois fois non !

JEAN.

Oui-da ! j’aime la franchise, Bernard ! Donc, vous entrez en révolte, vous tout seul, à vos risques et périls ?

BERNARD, debout.

Qu’est-ce que je peux donc risquer à présent, avec vous, monsieur Jean de Mauprat, monsieur Jean le Tors, monsieur Jean le Bourreau ? Croyez-vous que je suis encore un bambin, pour me laisser insulter, mettre au cachot et rouer de coups ? Oh ! que non pas ! Quand vous m’avez arraché des bras de ma mère agonisante, elle m’a crié son dernier mot, la pauvre femme ; elle m’a dit : « C’est Jean l’Assassin, c’est fait de toi. Il te tuera !… » Vous y avez bien fait votre possible ; mais on ne tue pas comme ça un Mauprat qui veut vivre. Et il y a longtemps que je vous aurais écrasé comme une vipère, si M. Tristan ne m’eût dit un jour, en me mettant un cheval dans les jambes et un fusil dans les mains : « Te voilà fort, sois brave. » Depuis ce jour-là, je vous ai méprisé ! mais, à cette heure, je vous dis en face : j’ai assez de vous, j’ai assez du métier qu’on fait ici ! (Mouvement des oncles.) Oh ! vous autres, prenez-le comme vous voudrez ! Je ne vous hais point… Et même… vous, Léonard, qui m’avez aimé un peu… Mais c’est égal ! je dis que vous avez fait le métier de braves, le métier de fous si l’on veut, avec le vieux père, mais qu’à présent… si vous obéissez à ce chef-là (il montre Jean), vous êtes tous des lâches !

TOURNY, à part.

Il y a du vrai.