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pardonner l’opulence que je n’ai pas acquise par mon travail.

KELLER, haussant les épaules.

Ah ! parbleu, vous !… mais c’est de moi qu’il est question.

FAVILLA.

Eh bien, si vous étiez à ma place, ce serait la même chose. Supposez que vous ayez hérité de la seigneurie.

KELLER, qui a regardé Frantz.

Allons, oui ! supposons, je veux bien.

FAVILLA.

Vous seriez, comme moi, un seigneur par aventure, et, ne fût-ce que par amour-propre, vous ne voudriez pas faire dire de vous : « Voilà un baron qui sent fort le marchand de toile ! »

KELLER.

Hein ?…

FAVILLA.

Dame ! ce serait comme ça. Vous ne seriez pas estimé de vos voisins, s’ils vous entendaient maudire l’impôt qui assure la protection de vos richesses ; vous ne seriez pas respecté par vos serviteurs, s’ils vous voyaient tourmenté de méfiances blessantes et vaines ; vous ne seriez pas aimé de vos vassaux, s’ils manquaient de tout, pendant que vous accumuleriez vos revenus. Non ! richesse oblige, mon bon ami, et c’est par une conduite noble que l’on devient digne de porter des titres ; autrement, on vous accable sous l’épithète de roturier (Frantz passe derrière, entre eux) ; ce qui n’est pas un affront par soi-même, mais ce qui le devient quand on a mérité de l’entendre prononcer avec ironie.

KELLER, embarrassé, dit à Frantz pour le faire sortir.

Serrez tout cela, monsieur Frantz ; allez ! allez ! nous en causerons… plus tard.

Frantz sort avec les registres, Keller reconduit Frantz.