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FLAMINIO.

Ma parole, Sarah !… quelle parole ?

SARAH.

Oh ! ne recommençons, pas ! Toutes nos querelles, toutes nos douleurs viennent de l’effroi que te cause cette idée. C’est cela qui me rend inquiète et jalouse. Ce n’est pas le présent ! je sais bien que tu n’aimes que moi ! mais l’avenir ; tu n’oses pas m’engager l’avenir !

FLAMINIO.

Moi ? c’est pour moi ?… Oh ! injuste ! injuste et cruelle !

SARAH.

Vas-tu me parler des jugements du monde ? Est-ce que tu le connais, le monde ? Moi, il ne me connaît pas ! Est-ce que je ne l’ai pas toujours évité, ou traversé sous un voile impénétrable ? Est-ce que j’ai besoin de lui, moi, craintive, qui ne respire que dans l’intimité ? Est-ce qu’il a besoin de moi, qui n’ai aucun de ses goûts ? Est-ce donc pour lui plaire que j’ai toujours été avare et comme jalouse de moi-même ? Ce ne serait pas le moyen. Il aime les femmes brillantes et ne remarque pas l’absence de celles qui se font une existence à part. Je ne suis pourtant pas romanesque, ne le crois pas ! Je suis positive, au contraire, positive par le cœur… comme une Anglaise ! Je prends l’amour au sérieux ; je ne peux donc pas le chercher en dehors de la foi conjugale et de la tendresse exclusive. Flaminio, je te demande une félicité sainte… Tu ne voudrais pas m’offrir, à la place, la honte d’un entraînement passager ou le désespoir de te perdre ! Non, n’est-ce pas ? Oh ! te perdre ! Comment peux-tu quelquefois me menacer de cela ! (D’une voix entrecoupée.) Il ne faut que cette pensée-là pour remplir ma poitrine de sanglots… Oui, j’ai le froid de la mort quand j’y songe !

FLAMINIO, tombant à ses pieds.

Oh ! milady !… Sarah ! mon bien, mon âme ! tu ne m’avais jamais parlé ainsi ! Oui, oui, tu es dans le vrai ; l’amour est tout ; lui seul est la vérité, tout le reste est erreur ou men-