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FLAMINIO.

Mais comment es-tu ici, seule, malheureuse peut-être ?

RITA.

Ah bah ! voilà mon gagne-pain, tiens ! (Elle montre son tambour de basque.) Je danse la montferrine que je savais, et la tarentelle que tu m’as apprise. Il a bien fallu m’y décider !

FLAMINIO.

Pourquoi donc ? Miss Melvil t’avait donné…

RITA.

Eh bien, oui ! de l’argent, beaucoup d’argent, pour me marier ; mais mon oncle n’a voulu m’en laisser prendre qu’un peu pour voyager. J’ai bien vu que son idée était de garder le reste, et qu’il ne courrait pas après moi pour me le rendre ! Je ne croyais pas que c’était si loin, Paris ! J’ai bien fait la route dans les voitures ; mais, ce matin, en arrivant ici, j’ai vu qu’il ne me restait plus rien, et alors… je n’avais pourtant pas le cœur à la danse, je ne savais pas où te trouver.

FLAMINIO.

Ah ! tu es arrivée d’aujourd’hui seulement ? Mais pourquoi es-tu venue à Paris ?

RITA, à Gérard.

Il le demande !… Voyez, monsieur, si vous feriez pareille chose ! Il m’a laissé croire qu’il m’épouserait, parce que je l’aimais, moi, il le sait bien, quoiqu’il voulût prendre ça en riant. Et, quand il a quitté le pays, à peine remis de son accident, il est venu dire adieu à mon oncle et à moi. Je pleurais, je voulais me jeter dans le lac, j’étais comme folle. Alors il a dit : « Bah ! tu n’as pas l’âge pour te marier. Tu ne sais pas encore ce que c’est que d’aimer. Je reviendrai si je ne meurs pas de ma blessure, qui me fait encore bien mal et si tu m’aimes toujours ! » Je l’ai laissé partir ; mais voilà cinq mois passés et j’ai quinze ans à cette heure. Je me suis dit : « Il ne revient pas, c’est qu’il est malade, j’irai ! » et me voilà ! Tu vois bien que je sais ce que c’est que d’aimer et qu’à présent tu dois m’aimer aussi.