Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée

FLAMINIO, tressaillant et fronçant le sourcil.

Ah ! duc, Je vous en prie !

LE DUC.

Bah ! bah ! je dis les choses comme elles sont, moi ! Si la vertu succombe…

FLAMINIO.

Une vertu comme la sienne ne succombe pas, quand elle est gardée par un respect comme le mien !

LE DUC.

Alors, je dis que, si le respect succombe, l’amour pourra bien s’épuiser sans qu’on songe au mariage, et, alors, tu auras sacrifié un bel avenir d’artiste… (Flaminio fait un geste d’impatience.) Ah ! dame, écoute donc, il y a un peu de ma faute, et j’ai le droit.

GÉRARD.

Le duc parle sans ménagement, mais je crois qu’il faut pourtant ne pas reculer devant l’alternative… Je ne pense pas, moi, que vous ayez l’ambition qu’on vous suggère…

LE DUC.

Et pourquoi donc pas, s’il vous plaît ? Vous vous piquez de connaître le monde, mon cher comte, parce que vous y avez toujours vécu. Moi qui suis resté si longtemps à la porte, je vous réponds qu’on le voit mieux du dehors qu’au dedans, et je vous dis que le monde est plus fou et meilleure personne que vous ne pensez. Il est facile, curieux, commère, amoureux de nouveautés, et il met ce qui l’étonne ou l’amuse bien au-dessus de ses vieux préjugés de naissance et de fortune. Bah ! bah ! Allons donc ! il n’y a plus, dans les salons de Paris, que des gens égaux devant l’habit noir, qui se recherchent… et qui dînent les uns chez les autres, pour peu qu’ils y trouvent leur intérêt ou leur plaisir. Il n’y a donc plus de mariages d’amour qui scandalisent ; bien au contraire, on les aime, et, pour une douzaine de vieux bonnets qui en glosent, il y a dix milles têtes blondes ou brunes qui rêvent d’un mari jeune, beau et bon, à la place de celui qu’elles ont, ou qu’elles risquent d’avoir.