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BERNARD.

Ô famille ! saintes douceurs ! pitiés angéliques !… c’est plus que je ne méritais, moi qui les ai fait tant souffrir ! Sois humble enfin, cœur avide des délices du ciel ! Pourquoi n’as-tu pas su t’en rendre digne ?

MARCASSE, à Edmée.

L’heure !…

EDMÉE.

Partez, Bernard ; ne soyez pas sourd à mes prières.

BERNARD.

Moi, sourd à vos prières ? Edmée ! savez-vous où nous sommes ? Voyez ! la destruction, qui a tout bouleversé ici, doit rendre pour vous ce lieu méconnaissable ; mais il est rempli du plus terrible et du plus doux souvenir de ma vie ! C’est ici que vous avez été amenée captive, et jetée comme une proie dans mes bras ! C’est là que vous vous êtes agenouillée pour me demander de vous tuer ou de vous suivre ; c’est à cette place où vous voilà que vous m’êtes apparue, non plus comme une femme objet de mes désirs farouches, mais comme un ange que protégeait une céleste auréole. Oh ! c’est ici que j’ai ressenti, rapides et brûlantes comme la foudre, les premières atteintes d’une passion qui devait à jamais disposer de mon sort. C’est ici, pauvre Edmée, que je vous ai vendu votre honneur au prix d’un serment. Je croyais alors vous offrir un grand sacrifice : aujourd’hui, je lésais, ce marché devait me rendre odieux ! à cause de ce crime-là, vous n’avez jamais pu m’aimer ! Je m’en croyais assez puni, hélas ! mais savoir qu’un autre… oh !… cela… oui, cela était au-dessus de mes forces.

Il éclate en sanglots.
EDMÉE.

N’achève pas ! Si tu as eu le délire, si, pendant un instant, tu as perdu la conscience de tes actions, je ne veux pas le savoir. Moi seule, d’ailleurs, ai le droit de te condamner ou de t’absoudre, et, si c’est là un crime, l’amour, que Dieu