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me boudes ? Ah ! si je manque de parole, c’est bien malgré moi. Allons, donne-moi la main. Je te retrouverai mariée.

VICTORINE.

Ah ! monsieur, je n’y serai plus, je ne vous reverrai plus, moi !

ALEXIS.

Que dis-tu ? Tu rêves !

ANTOINE.

Vous savez bien qu’elle est folle !

ALEXIS.

Ah ! tu es folle, décidément, Victorine ? Réponds-moi donc, voyons ! vas-tu me faire cette mine-là ? Crois-tu qu’il ne me faut pas du courage, chaque fois que je quitte de si bons parents, et notre chère maison où l’on est si bien… et toi-même qui es si gentille quand tu ne boudes pas ? — Adieu encore, ma mère… (Vanderke lui fait signe.) Oui, oui, mon père, je pars. Tu m’écriras, Sophie ? Antoine, tu me feras part du mariage ?… Allons ! (À Victorine.) Allons, souris-moi. Tu vois bien que je me bats les flancs pour me donner la force de partir ! sois un peu gaie pour moi… que je me console en me disant que tu es contente. (Prenant avec préoccupation son manteau, qu’Antoine, inquiet et impatient, lui offre depuis quelques instants.) Tiens, pense à ta robe de moire, à ton collier, à ta montre !… et, le jour de tes noces, tu penseras à ma tante la marquise, tu feras porter ta robe par le petit négrillon que j’ai ramené… Ris donc… ris donc un peu… la !… tout à fait !

VICTORINE, avec un rire nerveux.

Oui, oui, je rirai bien fort… je me ferai bien belle… je penserai à vous… à votre tante… je me donnerai des airs… j’aurai un nègre !… mademoiselle Sophie vous écrira tout cela… et vous rirez là-bas… vous rirez, n’est-ce pas ?

ALEXIS.

La voilà qui rit ! c’est bien. Merci, Victorine. Adieu, adieu, tous !

MADAME VANDERKE.

Nous te suivons !

Ils sortent tous, excepté Victorine et Sophie qui reviennent en scène.