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PIERRE, tenant la main de Reine éperdue.

Reine ! vous ne m’aimez pas ?

REINE.

Si fait, Pierre, je vous aime beaucoup, et c’est pour ça que je ne dois pas vous tromper !… Je refuse l’honneur que vous voulez me faire.

VALENTIN, à part.

Que dit-elle ? Est-il possible ?

PIERRE.

Reine, vous me tuez !… mais je n’insiste pas !…

REINE.

Merci, Pierre !… merci !

BIENVENU, près de la table, parle en mangeant sa soupe, son écuelle à la main.

Comment ? qu’est-ce que c’est ? des grimaces ? Je voudrais bien voir… (Avec autorité.) Nous affichons les bans aujourd’hui, c’est décidé ! J’en ai fait part à tous mes voisins, et je montrerai que mon fils a le moyen de faire un mariage d’amour !

PIERRE.

Assez, assez, mon père ! C’est de la fierté ou de l’éloignement, mais il semble que vous lui mettiez la mort dans le cœur… (Se tournant vers Valentin.) Mon Dieu ! mon Dieu ! qu’est-ce que j’ai donc fait pour être malheureux comme ça, moi !

BIENVENU, étonné, agité, et très-embarrassé de son écuelle, s’approche de Reine.

Eh bien, mais on ne vous force pas, que diable !… Si vous voulez rester fille, et pauvre, et sans avenir, tant pis pour vous, ça vous regarde ! Qu’est-ce que ça me fait, à moi ? Mon fils n’aura pas de peine à trouver mieux ! Voilà ce que c’est ! Faites donc du bien aux ingrats !

Il pose son écuelle sur la table.
REINE, désolée.

Oh ! vous êtes fâché contre moi !

BIENVENU, la repoussant avec un dédain affecté.

Fâché, moi ? Pourquoi donc, s’il vous plaît.