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ou refusera net de vous suivre. Ne faut-il pas que sa destinée s’accomplisse ?

NINA.

Quelle destinée, donc ?

LE MAESTRO.

Celle que cherchent fatalement les êtres qui haïssent le travail : le désordre !

CAMILLE.

La honte ?… Non ! il n’en sera point ainsi ! je la persuaderai, je la ramènerai.

NINA.

Oui, oui, Tu as raison. Viens !

LE MAESTRO, retenant Camille avec autorité.

Non ! lu n’iras pas. Vous êtes folles ! tu ne l’exposeras pas aux quolibets, aux impertinences d’un homme qui ne respecte aucune femme ! J’irais plutôt moi-même… et j’irais…

CAMILLE.

Hélas ! elle vous résistera. Vous ne saurez pas…

LE MAESTRO.

Eh bien, qu’elle aille à tous les diables et qu’elle se perde si bon lui semble ! Qu’est-ce que ça me fait, à moi ? Huit jours plus tôt, huit jours plus tard, elle vous échappera, puisqu’elle s’est mis en tête de se passer de nous. C’est un tyran, un fléau que cette fille. Oublions-la, mordieu !

CAMILLE, à Nina, avec énergie.

Oublier notre sœur ! nous ? l’enfant que notre pauvre mère nous a confiée à son lit de mort, et dont nous répondons devant Dieu ? Partons, Nina ! nous irons à pied, nous irons n’importe comment. Nous irions au bout du monde s’il le fallait ! et Flora nous marchera sur le corps plutôt que d’entrer dans le chemin de l’infamie. Viens, viens ! (Elle s’attache à Nina.) Non, maître, non ! je vous résisterai pour la première fois de ma vie ! Vous abandonnez, vous condamnez… moi, j’aime et j’absous… J’irai ! Partons !

Elle tombe suffoquée de sanglots dans les bras de Nina.