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quelle figure absurde vais-je faire, moi qui ne sais pas où je suis ?

LE MAESTRO.

Allons ! il faut bien que je vous le dise ; il est temps. Vous êtes chez la Corsari.

LE MARQUIS, avec élan.

En vérité ? Oh ! merci, merci, mon ami !

LE MAESTRO.

Oh ! oh ! c’est donc une passion ? Si vite que ça ?

LE MARQUIS, souriant.

Qui sait ? J’ai le cœur libre, et l’on dit que le sien est encore tout entier à la Muse !

LE MAESTRO.

C’est vrai ! on lui rend justice ; son cœur est libre et pur !

LE MARQUIS.

Merci ! merci encore pour ce que vous me dites là.

LE MAESTRO.

Doucement, doucement, Paolino !… Vous êtes un homme de premier mouvement… un homme d’honneur, je le sais… Mais ici… Écoutez… Je veux… je dois vous dire tout. Après cela, je serai tranquille. Sachez donc que toute atteinte portée au repos, au bonheur, à la considération de la Corsari serait un attentat contre moi-même.

LE MARQUIS.

Parlez, ami, j’écoute.

LE MAESTRO.

Vous avez vu dans votre enfance, à Venise, la pauvre Éléna Corsari, une actrice de quelque mérite, une femme dont le cœur valait mieux que la tête, et dont j’ai toujours été l’ami sincère, bien qu’elle se soit vite lassée de partager ma mauvaise fortune. Elle est morte, il y a dix ans, ne laissant rien au monde… que trois filles… dont une, celle qui vous a charmé…

LE MARQUIS.

Oh ! mon ami, je comprends qu’elle ait le feu sacré, celle-là.