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LE MARQUIS.

Pas toujours !

LE MAESTRO.

Je parle des amis qui nous aiment, et non pas de ceux qui nous détestent : nous avons beaucoup de ces derniers dans les arts !

LE MARQUIS.

Mais, moi, j’espère que…

LE MAESTRO.

Oh ! vous, je crois que vous m’aimez ; car je sais que je vous aime ! Ah çà ! vous n’avez donc encore vu personne à Milan, mon Vénitien ?

LE MARQUIS.

Ma foi, non ! Arrivé à six heures, je n’ai pas même pris le temps de m’habiller pour aller au théâtre. J’avais faim et soif de bonne musique, et j’avais là aussi un intérêt de cœur.

LE MAESTRO.

Ah ! oui-da !

LE MARQUIS.

Quoi ! puis-je, en savourant votre œuvre, ne pas m’enorgueillir de votre succès ? puis-je oublier que je suis votre compatriote et que j’ai eu l’honneur d’avoir pour professeur de musique, dans mes jeunes ans, un pauvre artiste, bien longtemps méconnu, qui a été enfin proclamé un des premiers compositeurs de l’Italie ? Et tenez, Santorelli, je me rappellerai toujours que si vous n’avez pas fait de moi un élève digne de vous… hélas ! les enfants des riches ne sentent pas toujours le prix des bienfaits qu’on leur prodigue !… du moins, vous avez ouvert mon âme au sentiment du grand et du beau. Vous me versiez votre enthousiasme, et je crois que, si je suis devenu un homme de cœur, c’est beaucoup à vous que je le dois.

LE MAESTRO, ému.

Cher enfant !… (se reprenant.) Cher marquis !…

LE MARQUIS, lui donnant la main.

Ah ! ne vous reprenez pas ! Dites comme autrefois.