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mon jardin est, à mes yeux, le plus agréable endroit du monde, ce tilleul est pour moi le plus beau de tous les arbres.

MARINETTE.

Tiens ! c’est vrai, ça ! Ce que c’est que le raisonnement. Je vas vous apporter votre déjeuner, pas vrai ?

LE DOCTEUR.

Oui, là, sur ma petite table verte, dans ma tasse de faïence, avec mon pain, mon jambon, mon beurre, ma crème, mon sucre, mon livre, enfin, toutes mes petites aises… Eh ! la matinée est encore fraîche ! Voyons, ai-je bien tout ce qu’il me faut ? Mon manteau ? oui… mes pantoufles turques ? oui… mon bonnet de laine de Ségovie ? oui… ma peau de vautour sur l’estomac ? oui… mon chapeau, pour quand le soleil montera ?… Ah ! mon chapeau, Marinette ; vous avez oublié de me donner mon chapeau !

MARINETTE.

Non, monsieur, vous l’avez sous le bras.

LE DOCTEUR.

C’est juste. Attendez !… mon mouchoir, pour m’essuyer les yeux, si je viens à m’attendrir en lisant… ma bourse, s’il vient à passer quelque pauvre… Oui, j’ai bien tout, et je puis enfin entrer en vacances dans ma maison de campagne. — Allez, Marinette, n’oubliez rien, et surtout ne cassez rien.

MARINETTE.

Casser, moi ! bonté divine ! qu’est-ce que j’ai donc jamais cassé ?

LE DOCTEUR.

Rien… et c’est pour cela que je vous estime… Vous ne faites point de bruit en marchant, c’est une qualité… Vous ne rangez, par conséquent, vous ne dérangez rien dans mon cabinet… Vous êtes lente comme une tortue, par conséquent, point étourdie, autre qualité… (Le coq chante.) Enfin, vous avez une bonne mémoire… Attendez, pourtant, vous êtes en faute.

MARINETTE.

Moi, monsieur ?

Le coq chante encore.