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BRÉCOURT.

Tu ne diras plus rien, ou nous aurons affaire ensemble. Armande, écoutez-moi. Je ne sais ce que signifie ce voyage de Chantilly ; mais, à la vue du carrosse entrant dans la cour, Molière s’est senti si malade, que nous en avons été effrayés. Il nous a repoussés dans une espèce de transport, et s’est renfermé dans sa chambre, sans vouloir s’expliquer sur ses résolutions à votre égard.

MADELEINE.

Que ceci ne vous rebute point, Armande ; vous savez que la réflexion apaise toujours ces emportements de douleur, chez Molière. Laissez-le se calmer, et il écoutera, je n’en doute pas, les bonnes raisons que vous avez à lui donner, pour expliquer votre absence et déjouer les mauvais propos.

ARMANDE, regardant Baron, qui reste immobile.

Je n’ai rien à dire contre des calomnies trop basses pour m’atteindre, et que Molière, pour son honneur autant que pour le mien, devrait avoir appris depuis longtemps à mépriser. Quant à motiver la durée de mon absence, il me semble que vous eussiez pu le faire avant moi, vous tous qui êtes ici, et qui connaissez ce que j’ai eu à souffrir de la jalousie de mon mari.

BRÉCOURT.

Ma chère amie, j’ai le droit de vous parler comme un vieux compagnon qui a chéri votre enfance. Ne soyez pas si fière ! il n’y a point d’abaissement à ployer sous la main de qui nous aime. Si vous êtes irréprochable, comme j’en suis assuré, justifiez-vous, et vous serez entendue : si vous avez quelque léger tort, aimez, et vous serez pardonnée.

ARMANDE.

Brécourt, vous êtes un homme de sens, c’est pourquoi je vous dis que, si vous étiez en ma place, vous n’auriez point la patience que vous me conseillez. Mon sort est cruel, et je ne l’ai point mérité. Molière a le malheur de son âge…

DUPARC.

Molière n’est pas tellement plus vieux que vous, que vous