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quelque innocents qu’ils aient été pour moi ; je ne veux plus quitter mon mari d’un seul pas ! mais le pourrai-je, si personne ne m’aide et si chacun autour de lui me repousse ou me fuit ? Je sais bien que les amis de Molière me haïssent ; ils sont jaloux de l’affection que je lui ai inspirée, et leur malveillance a aigri mes propres sentiments. Beaucoup de combats et de chagrins m’attendent donc ici, je le sais. Comment les surmonterai-je, si je ne puis compter sur l’affection de personne ? comment supporterai-je l’ennui d’une retraite si mesquine, si je n’y trouve au moins le jeune et riant compagnon de mes études ?…

BARON.

Non, non, ne me parlez plus. J’aime encore mieux votre haine que votre perfide amitié.

ARMANDE, à part.

C’est ce que nous verrons ! (Haut.) Eh bien, partez donc ! je partirai de mon côté, et pour toujours.

BARON.

Vous voulez donc tuer Molière ?

ARMANDE.

Et vous ne voulez donc point qu’il vive, puisque vous me mettez au défi de l’abandonner ?

BARON, frappant sur la table.

Mais quelle est donc cette tortueuse et abominable fantaisie de me vouloir garder auprès de vous ?

ARMANDE.

Et ne voyez-vous pas que votre obstination à m’éviter est une offense ? Ne semblerait-il pas que nous ne pouvons vivre sous le même toit sans devenir coupables ? — On vient par ici ! remettez-vous et réfléchissez. J’entends des voix que je connais et qui m’annoncent des tempêtes ; je les affronterai avec courage ou j’abandonnerai la partie, selon que vous me délaisserez ou me soutiendrez.

BARON.

Mais, dans ces orages domestiques, je ne puis rien faire ; je ne dois rien dire, moi !… je ne dois même point assister…