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croisée.) Vous demeurez, Armande le succès de ma comédie ne vous intéresse point ?

ARMANDE.

Si fait, je vous suis ; mais je veux voir d’ici défiler tout le cortège royal.

MOLIÈRE.

Ah ! oui, tous ces beaux seigneurs, tous ces marquis !… (À Pierrette, avec une sorte d’inquiétude.) Reste avec elle : je n’ai pas besoin de toi.

PIERRETTE.

Mais, moi, je veux vous voir jouer, et tenir votre manteau dans la coulisse. (Molière sort ; elle le suit en disant à part.) Mademoiselle Armande saura bien se garder toute seule !




Scène IV


ARMANDE

Ah ! voici le quadrille du roi : le comte d’Armagnac, le duc de Saint-Aignan, le marquis de Soiecourt, le plus adroit aux bagues après Sa Majesté ; le marquis de Villeroy… (Quittant la croisée.) Molière ne peut pas les souffrir, les marquis ! c’est sans doute parce qu’il ne peut pas l’être. (Elle s’arrange la figure devant la glace.) La noblesse, on a beau dire, ne s’acquiert point : c’est pourquoi les gens bien nés pardonnent aux roturiers d’avoir de l’esprit, tandis que ceux-ci ne leur pardonnent point de s’en pouvoir passer… Ce pauvre Molière ! comme il est jaloux de moi ! En vérité, je l’aime bien, et je goûte un grand plaisir à le faire enrager ! Il est si malin quand il est en colère ! et si bon quand il a fini de gronder, et si simple quand il me demande pardon de la peine que je lui ai faite !