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instruire et moraliser des classes avec lesquelles il faudra compter tôt ou tard. N’est-ce pas votre intérêt comme le leur ? Est-on votre ennemi parce qu’on vous conseille ? Est-ce qu’Alexandre Dumas, que vous n’accusez pas de socialisme échevelé et qui a chanté toutes les puissances comme toutes les misères, n’a pas bien fait de donner au Cirque une magnifique étude de Napoléon ? Est-ce qu’il n’est pas le seul jusqu’à cette heure qui ait fait parler avec grandeur ce grand personnage ? Est-ce qu’il n’est pas écouté et compris par ces spectateurs à cinquante centimes, plus naïvement, plus religieusement qu’il ne le serait par les habitués de la rue de Richelieu ? Les lettrés ! nous n’avons rien à leur apprendre, ils en savent tous autant les uns que les autres, autant que nous par conséquent ; mais le peuple, il est beau temps qu’on lui donne à sentir ce qu’on peut faire de mieux. La littérature sérieuse l’ennuie, dit-on ; il ne la comprend pas. Je n’en crois rien ; mais, s’il en est ainsi, raison de plus pour insister auprès de lui et pour l’habituer aux émotions ou aux réflexions sérieuses.

Quant à moi qui ne suis pas habile et qui cherche toujours sans jamais me flatter d’avoir trouvé, je suis satisfait d’avoir donné à un théâtre du peuple, non pas une pièce que j’estime bonne, mais une pièce que j’ai faite avec soin et conscience, où j’ai été impartial, je m’en flatte, et dont l’utilité m’est suffisamment démontrée par les colères étranges de certaines gens.

La pièce complète que je publie ici est le premier jet de ma pensée sur la vie intérieure de Molière : c’était long, trop long de beaucoup pour le théâtre, et on a dû en retrancher une partie considérable. Il est résulté de ces retranchements faits un peu tard, à cause de mon éloignement, que la pièce, sans acquérir le mouvement qui lui manquait, a perdu, selon moi, quelques qualités essentielles de l’analyse. Plusieurs esprits sérieux m’ont reproché avec raison d’avoir fait représenter une analyse incomplète. Elle était trop complète d’abord, pas assez ensuite ; mais la faute en est à moi seul, nullement aux conseils qui m’ont dirigé dans cette exécution.