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de l’honnête Molière, quoi qu’on en dise. C’est un tribut que je veux apporter religieusement à la mémoire du maître des maîtres, et je m’en fais un devoir d’autant plus sérieux, que les Tartufes, les Montfleury, les bigots et les calomniateurs de toute espèce, qui l’ont outragé de son vivant, semblent avoir voulu ressusciter tout exprès pour le poursuivre dans ces temps-ci.

Avant tout, je demande aux esprits consciencieux, littéraires, religieux ou politiques, qui ne regarderont pas le nom de Molière comme une question sans actualité, de lire, s’ils ne l’ont déjà fait, l’excellent article que M. Despois vient de publier dans la Liberté de penser. Je ne trouverais pas un mot à changer dans cette appréciation historique, si j’avais à en faire le résumé de mes propres notions sur Molière. Après ce consciencieux et véridique travail, dont je voudrais pouvoir faire la préface du mien, je n’ai qu’à confirmer de tout le poids de ma conviction et de ma certitude ces points principaux. Non, Molière ne fut pas l’amant de la mère de sa femme, cela est désormais acquis à l’histoire par des preuves certaines. — Non, rien ne prouve qu’il ait été même l’amant de la sœur de sa femme, de Madeleine Béjart. — Non, rien ne prouve qu’il fût l’amant de mademoiselle Duparc ou de mademoiselle Debrie. — Non, rien ne prouve que sa femme, Armande Béjart, lui ait été infidèle par les sens, tandis que tout prouve qu’elle lui a été infidèle par le cœur. — Non, Molière ne fut pas le courtisan lâche, mais l’ami fidèle de Louis XIV et de Condé. — Non, Amphitryon n’est pas et ne peut pas avoir été la réhabilitation de l’adultère du roi. — Non, Tartufe n’est pas l’appui servile donné au roi contre un parti persécuté. — Non, le mépris de Molière pour la calomnie n’est pas une preuve de sa culpabilité, mais de son innocence. — Non, Molière ne fut ni insolent, ni servile, ni ridicule, ni vindicatif : il fut homme de bien autant qu’homme de génie : son cœur fut le plus ardent, le plus tendre, le plus pur, le plus fidèle cœur de son époque. Son caractère fut irascible, ce fut là tout son défaut ; mais, malade et accablé de fatigue, de souffrance et de chagrin, comme il le fut