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avez supposé bien gratuitement Molière irrité contre les grands seigneurs. » Un autre : « Vous avez omis le sentiment de rage que Molière devait nourrir contre les grands seigneurs, » etc., etc., etc.

Je n’exagère pas, je cite textuellement, et ce serait une assez curieuse étude que de rassembler dans un seul tableau tous ces jugements contradictoires avec leurs considérants et leurs attendus.

Que conclure de tout cela ? Qu’à force d’avoir des critiques, nous n’avons plus de critique ; et c’est un grand mal que d’être forcé de chercher la vérité tout seul et sans l’aide d’amis ou d’ennemis qui s’entendent pour nous encourager ou nous redresser. Et, cependant, chacun d’eux a raison à son point de vue. Mais pourquoi voient-ils chacun dans une œuvre dramatique précisément le contraire de ce qu’y voit son voisin ? Ce n’est pas leur faute : c’est celle du temps où nous vivons. Toute chose est discutée, discutable, et c’est ce qui rend l’analyse bien difficile au théâtre.

Nos pères n’étaient pas sceptiques en raisonnements comme nous : leurs caractères étaient plus d’une pièce. Beaucoup de croyances et, par conséquent, de sentiments et de résolutions, n’étaient pas soumis à la discussion. Aujourd’hui, nous sommes autant de mondes philosophiques que nous sommes d’individus pensants. Un Othello moderne aurait besoin de s’expliquer davantage pour être accepté de tous, et, cependant, on veut des scènes courtes, des dialogues serrés.

Je me garderai bien de défendre le mérite littéraire d’une œuvre quelconque de mon fait, et je reconnais à la critique tous les droits possibles de contester ce mérite-là. Quant au mérite dramatique, j’en ai fait bon marché, plus que personne, en la dédiant affectueusement à un maître dont je n’essaye même pas d’imiter les qualités, tant je les juge au-dessus des miennes. Ce que je crois devoir défendre envers et contre tous, c’est mon sentiment propre, c’est mon appréciation personnelle du grand Molière, du bon Molière,