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rémy.

La mort vous fait peur à vous autres parce que vous êtes jeunes ! Si vous aviez mon âge, vous vous diriez que la mort et la vie, c’est quasiment une même chose. Ça se tient comme l’hiver et l’été, comme la terre et le germe, comme la racine et la branche. (Regardant Denis.) Un peu plus tôt, un peu plus tard, faut toujours souffrir pour vivre, et vivre pour mourir. Allons, puisque vous n’estimez point mes chansons de l’ancien temps, je vas vous faire un petit discours sur la gerbaude. Celui qui ne peut point chanter doit parler. Mais la voix me fait défaut. Donnez-moi un verre de vin blanc.

fauveau.

Si vous souhaitiez un doigt de brandevin, ça vous donnerait plus de force ; c’est souverain, après moisson.

rémy, regardant Denis.

Oui, c’est ça, je veux bien, j’ai quelque chose à dire et je veux la dire. Donnez-moi du rude.

claudie, voulant l’empêcher de boire l’eau-de-vie que lui présente la mère Fauveau.

Mon père, ne buvez point ça ; à votre âge, c’est trop fort ! Rappelez-vous que l’an passé ça a manqué vous tuer !

rémy.

Bah ! bah ! laisse-moi donc ! Je me sens faible, ça me remettra.

denis, à demi-voix.

Allons ! allons ! la musette ; c’est assez écouter ce vieux qui ne sait ce qu’il dit.

la mère fauveau, qui est près de lui, versant à boire aux moissonneurs.

Excusez, monsieur Ronciat ; quand un homme d’âge veut parler on doit l’entendre ; et quand il parle sur la gerbaude, ça porterait malheur de l’interrompre.

rémy, élevant son verre.

Criez avec moi, mes amis : à la gerbaude ! à la gerbaude !