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à-dire pour l’excellente mise en scène que vous seul avez composée, et qui fait tout le charme, toute la grâce et toute la vérité de l’action ; je l’en remercie pour certaines formes de langage qui ne sont pas de moi, car je n’ai fait que les entendre et les retenir ; pour les chants populaires que M. Ancessy a recueillis et agencés avec tant de goût et d’habile simplicité. Il m’eût été bien pénible, je l’avoue, que les sifflets acquis à ma prose eussent couvert la pure mélodie de la chanson de Jeanne Darc et la solennelle antienne des noces. Mais je remercie surtout le public d’avoir mis de côté toute prévention contre l’auteur et le sujet, pour écouter les éminents acteurs qui l’ont si bien récompensé de son attention. Ils ont fait de rien quelque chose, et de peu beaucoup. Madame Laurent a créé le type de la femme honnête et bonne, de la mère à la fois austère et tendre. Jamais on n’a moins joué un rôle, jamais on ne l’a mieux fait sentir. M. Deshayes, dans celui de Jean Bonnin, aurait suffi tout seul au succès de la pièce. Jamais je n’ai encore rencontré dans les traînes de la vallée Noire un paysan si paysan, un Berrichon si Berrichon, et, pourtant, je les connais, les paysans berrichons ! M. Clarence a donné au champi une élévation, et une tendresse pénétrante qui font couler des larmes ; madame Deshayes est une Mariette ravissante, madame Moreau-Sainti une commère de village consommée, et si belle, que l’on comprend bien qu’elle ait fait tourner la tête à défunt maître Blanchet ; mademoiselle Biron a fait d’un petit rôle un premier rôle : elle est butorde et elle est gracieuse, lourde et légère, brusque et sensible. Cette tête de madone, cette taille de reine, ne sont pas invraisemblables sous ce costume et avec les allures de servante. Comment fait-elle ? Demandez cela à la nature, qui fait tous les jours de pareils miracles. N’avez-vous jamais vu Nausicaa tordant le linge à la fontaine et Calypso trayant les vaches ? Cela se voit aux champs, et, cette fois, cela s’est vu au théâtre. Quant à mademoiselle Volnais, qui avait quatre paroles à dire, elle a su être un petit garçon si gentil et si bon, qu’on voudrait en être la mère.