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ainsi : l’art cherchait la réalité, et ce n’est pas un mal ; il l’avait trop longtemps évitée ou sacrifiée. Il a peut-être été un peu trop loin. L’art doit vouloir une vérité relative plutôt qu’une réalité absolue. En fait de bergerie, Sedaine, dans quelques scènes adorables, avait peut-être touché juste et marqué la limite.

Je n’ai pas prétendu faire une tentative nouvelle ; j’ai subi comme nos bons aïeux, et pour parler comme eux, la douce ivresse de la vie rustique. En lisant le Comme il vous plaira de Shakspeare, et en lisant aussi Sedaine, j’ai ri et pleuré. Et puis j’ai vu et entendu au village, où j’ai presque toujours vécu, des choses qui m’ont fait rire et pleurer en même temps : c’était comme les naïvetés de l’enfance mêlées aux austérités philosophiques et religieuses de la vieillesse. Rien ne ressemble moins à un agneau qu’un chêne, et pourtant le chêne et l’agneau s’harmonisent dans le paysage. La symphonie pastorale de Beethoven a des accents terribles et des naïvetés sans exemple : c’est bien comme dans la nature.

J’ai cherché à jouer aussi de ce vieux luth et de ces vieux pipeaux, chauds encore des mains de tant de grands maîtres, et je n’y ai touché qu’en tremblant, car je savais bien qu’il y avait là des notes sublimes que je ne trouverais pas. Mais j’y ai trouvé du plaisir, et, un jour, par hasard, vous avez eu du plaisir aussi à entendre bégayer, sous mes doigts inhabiles, ce vieux instrument de la fantaisie des siècles. Vous avez voulu essayer de faire résonner sur une grande scène dramatique, et les mélodies champêtres du vieux Berry, et le vieux langage de ses paysans. Il fallait tout le courage d’un véritable artiste, comme vous l’êtes, pour risquer des formes si simples devant un public habitué à d’habiles combinaisons et à des émotions fortes.

Le public a goûté cette simplicité de moyens. Il a fait bon accueil à des formes enfantines, à des scènes de mœurs naïves. J’en remercie beaucoup le public, non pas pour moi comme individu, mais pour nous deux comme artistes ; je l’en remercie pour tout ce qui n’est pas moi dans ma pièce, c’est--