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naissance des lettres, parle aussi au poëte qui rêve. Voltaire, précurseur d’une grande révolution ; Beaumarchais, puissant levier d’une lutte mémorable, dites-lui par qui et comment son œuvre sera continuée.

SHAKSPEARE.

Ces temps nouveaux sont remplis d’étranges événements. Toute la masse de la terre a chancelé comme une machine mal assurée, et des tempêtes se sont élevées, où les vents en fureur ont fendu le tronc des vieux chênes. L’esclave a levé sa main gauche en l’air, elle a flambé comme vingt torches réunies, et sa main, insensible à la flamme, est restée sans brûlure. Cassius affranchira Cassius d’esclavage. C’est là, grands dieux ! que vous placez pour le faible une force invincible ! C’est par là que vous déjouez les tyrans. Ni la tour de pierre, ni les murailles de bronze travaillé, ni le cachot privé d’air, ni les liens de fer massif ne peuvent enchaîner la force de l’âme… (À Sophocle, Eschyle et Euripide). Oracles de l’antiquité, j’ai prophétisé aussi ; c’est la mission des poètes, c’est l’héritage que les morts laissent aux vivants… Quant à moi, je n’étais point de ceux qui supportent l’injustice avec un visage serein, et, si parfois j’ai ri comme Molière, comme Molière j’avais l’âme et le visage sérieux.

VOLTAIRE, tenant Jean-Jacques Rousseau par la main.

J’ai été vif en mon temps à l’endroit des vivants et des morts. Mais les morts sont calmes et fort peu jaloux les uns des autres. J’ai assez fait pour m’endormir tranquille après une longue bataille ; j’ai réduit le passé en poussière ; j’ai écrasé l’infâme intolérance ; j’ai fait une grande révolution. Rousseau en a fait une seconde. Nous avons tous deux édifié l’avenir, et la France nous garde deux couronnes qui se touchent sans se flétrir mutuellement dans la main de la Liberté.

BEAUMARCHAIS.

Grand Molière, j’admire la sérénité de ton sommeil et l’égalité de ton âme ! La mienne fut un alambic et ma vie un