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au jour le jour des représentations théâtrales, c’est encore le public, une élite quant à l’esprit, mais tout aussi variable et sujette à erreur que la masse. Parfois elle nous a soutenu, parfois elle a cherché à nous décourager. Nous l’attendons à des jours plus rassis et à des jugements moins précipités. Ce qu’elle nous accordera un jour, ce sera de n’avoir pas manqué de conscience et de dignité dans nos études de la vie humaine ; ce sera d’avoir fait de patients efforts pour introduire la pensée du spectateur dans un monde plus pur et mieux inspiré que le triste et dur courant de la vie terre à terre.

Nous avons cru que c’était là le but du théâtre, et que ce délassement, qui tient tant de place dans la vie civilisée, devait être une aspiration aux choses élevées, un mirage poétique dans le désert de la réalité.

Sous l’empire de cette conviction, nous n’avons pas voulu essayer de procéder par l’étude du réel aride, et présenter au public un daguerréotype de ses misères et de ses plaies. On en plaçait bien assez devant ses yeux. L’école du positif est nombreuse, et, pour quelques-uns qui ont le droit d’en faire sortir de robustes enseignements, parce qu’ils en ont la puissance, beaucoup d’autres ne réussissent qu’à montrer le laid et à blaser le public sur ce triste face à face. D’autres, plus coupables encore et poussant plus loin l’adulation, ont réussi à le faire rire paternellement de ses vices.

Nous n’étions pas tenté d’entrer dans cette voie, et personne n’a encore osé nous reprocher de ne l’avoir pas fait ; mais quelques-uns nous ont reproché notre culte pour l’artiste, notre optimisme dans les solutions trop morales de l’action, notre respect pour la simplicité des moyens, et beaucoup d’autres choses auxquelles nous ne répondrons pas. Nous nous bornerons à dire que, nous sentant poussé par un esprit de réaction contre le laid, le bas et le faux, nous avons suivi la pente qui nous emportait en sens contraire. Il était bien naturel qu’un romancier fût romanesque. Qu’il ait manqué de talent, c’est possible ; mais, comme ce n’est point là ce