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l’esprit un peu de ce sentiment que j’appelle la charité politique — c’est-à-dire le respect de notre semblable, une notion bien sentie de la dignité humaine.

Nous n’en sommes pas si éloignés pourtant, en France, que cette prédication doive être taxée d’utopie. On m’accordera bien que dans les habitudes de la vie privée nous ne sommes pas si féroces qu’on le croirait, si on nous jugeait d’après le ton de notre polémique quotidienne. Voyons, quel est celui de nous qui, rencontrant un adversaire politique irait lui dire en face ce qu’il vient ou ce qu’il va écrire de lui dans un premier Paris ?

Quel est le socialiste assez passionné pour aller trouver son antagoniste malthusien et pour lui dire, parlant à sa personne, qu’il est un hypocrite et un traître ? Quel est l’économiste conservateur qui, s’adressant à un socialiste quelconque de la nouvelle école, lui déclarera qu’il est un fou ou un imbécile ? Cela ne se fait point, témoin la réponse d’Arnal dans je ne sais plus quelle pièce, où un personnage le surprend disant du mal de lui : « Eh quoi ! s’écrie le diffamé, vous dites du